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COVID-19 et rupture brutale des relations commerciales établies

Toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services doit respecter un préavis écrit d’une durée suffisante avant de rompre même partiellement une relation commerciale établie.

Est-il possible que la crise majeure sans précédent liée à la pandémie de Codiv-19 et ses conséquences permettent de rompre brutalement une relation commerciale établie sans être sanctionné ?

1) Que prévoit la loi ?

Un dispositif de protection existe en matière de rupture brutale de relations commerciales établies prévu à l’article L 442-1, II du code de commerce :

« Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels.

En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois.

Les dispositions du présent II ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ».

Ainsi, en cas de force majeure, l’auteur de la rupture est dispensé d’avoir à respecter un préavis de rupture.

2) Est-il possible d’invoquer la pandémie de Covid-19 comme cas de force majeure pour être dispensé d’avoir à accorder un préavis à la victime de la rupture ?

La pandémie de Covid-19 a été considérée comme un cas de force majeure pour les entreprises mais uniquement en matière de marchés publics (Déclaration du Ministre de l’Economie du 28 février 2020).

En l’absence de texte spécifique en dehors des contrats publics, il n’y aura pas d’application généralisée de la pandémie de Covid-19 comme cas de force majeure.

A défaut d’aménagement contractuel prévu par les parties, pour que la force majeure soit caractérisée, il faut que l’événement réponde aux critères cumulatifs de l’article 1218 du code civil :

  • événement échappant au contrôle du débiteur
  • événement ne pouvant être raisonnablement prévu à la date de conclusion du contrat
  • événement ne pouvant être évité par des mesures appropriées
  • événement empêchant l’exécution de son obligation par le débiteur

La pandémie de Covid-19 comme cas de force majeure sera appréciée au cas par cas en s’interrogeant sur ce qui a rendu impossible la poursuite de la relation commerciale.

Il n’y aura donc pas de réponse unique et en tout état de cause, la pandémie de Covid-19 ne pourra constituer un blanc-seing permettant de rompre sans préavis une relation commerciale établie.

3) A défaut de remplir les critères de la force majeure, les répercussions économiques de la Covid-19 peuvent-elles justifier une rupture sans préavis ?

Si la rupture brutale de la relation commerciale ne résulte pas du comportement de son auteur mais de circonstances extérieures (ex. conjoncture économique difficile en un temps de crise économique), dans ce cas, l’auteur de la rupture pourrait ne pas voir sa responsabilité engagée.

Ainsi, la jurisprudence a pu retenir qu’une baisse de 75 % des commandes inhérente à un marché en crise n’engage pas la responsabilité de l’auteur de la rupture (Cass com 8 novembre 2017 n°16-15.285).

En revanche, si l’auteur de la rupture profite de la situation pour évincer un partenaire de longue date, cette stratégie opportuniste serait sanctionnable au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies.

Il faut donc procéder à une analyse au cas par cas en tenant compte des faits pour apprécier s’il s’agit d’une rupture brutale répréhensible ou s’il s’agit d’une conséquence de baisse de l’activité et dans ce cas il faudra démontrer concrètement l’impact direct de la Covid-19 sur la baisse de l’activité avec le partenaire concerné.

Il est donc essentiel de conserver des preuves permettant le cas échéant de démontrer sa bonne foi notamment en ayant pris toutes les mesures nécessaires pour permettre la poursuite de la relation.

En cette période inédite, l’obligation de loyauté et de bonne foi doivent se trouver renforcées pour inciter à dialoguer avec son partenaire en vue de trouver des solutions efficaces pour les deux parties et éviter d’engager une procédure judiciaire à l’issue incertaine.